Historique


Notice historique sur le Village du Brassus

Des origines jusqu’à la fondation de la fraction de commune

L’histoire du Brassus est naturellement liée à celle de la Vallée de Joux. Aucun document ne prouve que La Vallée ait été habitée au temps des Romains, même si l’on a retrouvé au Crêt-Meylan d’authentiques monnaies romaines, et ailleurs des meules à bras semblables à celles qu’utilisaient les soldats romains. Il est plus vraisemblable qu’une piste ait existé à travers La Vallée, reliant le monastère de St-Claude, fondé en 425 et celui de Romainmôtier, datant de 450. Les premiers colons de La Vallée sont certainement les religieux bénédictins de St-Claude venus s’établir au Lieu au VIe siècle. L’Abbaye du Lac de Joux est fondée en 1126 par Ebal de La Sarraz, et une sérieuse rivalité ne manque pas de s’établir entre les deux communautés. Les premiers colons de la commune du Chenit sont partis du Lieu en s’établissant d’abord sur les rives de l’Orbe vers 1489, puis aux Piguet-Dessous, Crêt-Meylan, Bas-du Chenit et au Campe. En 1344, Ebal de La Sarraz vend la Vallée de Joux à Louis Duc de Savoie et Baron de Vaud, en réservant pour lui et ses gens de La Sarraz et de La Vallée plusieurs droits, dont celui d’usage à perpétuité des joux et bois sans payer aucun tribut ni servitude. 

En 1543, le mas de Praz-Rodet est abergé à la commune du Lieu, qui le revend en 1563 à la ville de Morges ; cette même année, les montagnes qui forment la Bursine et la Burtignière sont abergées aux communes de Bursins et Burtigny. En 1557, des maîtres verriers français construisent à Praz-Rodet une verrerie située au sud-ouest du chalet actuel; on y bâtit également une chapelle et plusieurs maisons, dont l’une d’elles voit la naissance en 1566 de David du Peron, d’origine française, qui sera plus tard cardinal et conseiller du roi Henri IV à Paris. La verrerie de Praz-Rodet ne reste pas très longtemps en activité. C’est sur le cours du ruisseau du Brassus que débute le travail du fer; en 1555, Jean Herrier reçoit l’autorisation d’y construire des hauts fourneaux, forges et martinets; cette industrie subsistera pendant plusieurs siècles, grâce à la force motrice du ruisseau, et aux forêts qui fournissent le combustible. Le minerai de fer est exploité sur place, mais également importé de Bourgogne

Jean Herrier fait de mauvaises affaires; en 1567 ses biens, mis aux enchères, sont acquis par deux marchands genevois : Jérôme Varro et Nicola Georges, mais peu après, Jérôme Varro reste seul propriétaire. Le 15 mai 1576, Leurs Excellences de Berne (LLEE) fondent la SEIGNEURIE DU BRASSUS, avec pour les nouveaux Seigneurs du Brassus, le droit de percevoir des redevances et d’appliquer leur propre justice. Michel Varro exerce la fonction de secrétaire d’Etat puis, en 1582, de syndic de la ville de Genève; c’était un homme très érudit, auteur d’un traité de mécanique hydraulique très remarqué à l’époque. Les Varro agrandissent leur propriété, qui englobe presque tout le territoire actuel du Brassus; ils construisent vers 1660 une habitation appelée pompeusement « château », qui était l’ancien Hôtel de la Lande, rehaussé en 1855, et incendié en l934. Aux Varro succèdent les Chabrey, originaires du Faucigny, dont un représentant est syndic de Genève lors de l’escalade en 1602. La seigneurie du Brassus durera 108 ans. Notons en passant que les armoiries du Brassus sont une juxtaposition de celles des Varro et des Chabrey. Au cours de cette période prospère, les installations du ruisseau se sont développées, et ont servi à fabriquer des boulets de canon pour les Genevois en guerre contre la Savoie, ainsi que divers instruments aratoires, fers pour la construction, etc. ( On cite qu’en l’espace de quatre ans, 11200 faux ont été fabriquées au Brassus). Les forges occupent 15 à 20 ouvriers.

En 1684, Dominique Chabrey, qui avait probablement suffisamment d’activité à Genève, vend sa seigneurie du Brassus à LLEE. Dès lors le territoire du Brassus devient partie intégrante de la commune du Chenit, à laquelle il était déjà rattaché sur le plan ecclésiastique; la réforme avait été imposée à La Vallée par les Bernois peu d’années auparavant. (Rappelons que la commune du Chenit a été fondée en 1646). Les propriétés des Chabrey sont morcelées en plusieurs lots, dont un, celui de la Lande, est acheté en 1695 par les Rochat, qui en étaient les fermiers; leur domaine s’étend de l’Orbe à La Rollaz. Jacques Rochat de la Lande obtient en 1686 l’autorisation de débiter du vin. En 1693, Jean-François Jaquet de Vallorbe acquiert les usines et forges qui vont prospérer pendant plus d’un siècle. A côté de cette industrie du fer se développe celle du bois, et l’on construit plusieurs scieries qui utilisent la force motrice de l’Orbe et du Brassus. On édifie aussi des moulins à vent destinés à moudre le grain récolté sur place ou importé. 

Vers 1712, un jeune homme entreprenant, Joseph Guignard, part apprendre le métier de lapidaire au pays de Gex, puis revient former des apprentis à La Vallée, où cette industrie ne tarde pas à se développer; on travaille d’abord les pierres précieuses pour la bijouterie, puis des pierres destinées à l’horlogerie. En 1740, Samuel-Olivier Meylan, né au hameau de Chez-le-Maître, âgé d’une vingtaine d’années, part pour Rolle chez un maître horloger disposé à lui apprendre le métier. Il revient à La Vallée pour préparer sa maîtrise et engage un apprenti, ce qui lui vaut toute sorte d’ennuis de la part des corporations, dont celle de Rolle, qui l’obligent à renvoyer son apprenti. Il part alors se perfectionner dans le pays de Neuchâtel. Il se présente ensuite devant la maîtrise de Moudon pour faire son chef-d’oeuvre, qu’il réussit, et obtient le titre de maître horloger, avec le droit de s’établir dans le pays de Vaud. Il rentre à La Vallée en 1742, comme pionnier de cette nouvelle industrie. Peu à peu d’autres jeunes gens doués partent à Genève ou dans les montagnes neuchâteloises pour se perfectionner dans le métier, et à leur retour forment des apprentis. Ces maîtres horlogers étaient presque tous paysans; ils faisaient venir de Genève ou de Neuchâtel les pièces qu’ils ne pouvaient fabriquer eux-mêmes. Cette situation se maintiendra jusque vers la fin du XVIIIe siècle, qui voit surgir un important bouleversement politique dans le pays de Vaud. Les Bernois avaient commis passablement de maladresses dans leurs baillages, à La Vallée également. En 1798 ils sont chassés, et le 24 janvier c’est la proclamation de la République Lémanique à Lausanne ; cet événement est fêté au Brassus, où se réunit une assemblée constituante; pour marquer cette date historique, un arbre de la liberté est planté sur la place du village, où il subsistera jusqu’en 1913, date de l’élargissement du pont. Le passage au nouveau régime a lieu sans trop de heurts, si ce n’est quelques bagarres entre pro Bernois et ceux qui veulent les chasser. 

Au début du XIXe siècle, l’horlogerie prend un nouvel essor. Les horlogers se perfectionnent continuellement, inventant des outils pour créer des nouveautés, et arrivent au Brassus à la fabrication complète de la montre, mettant sur le marché des pièces toujours plus compliquées. Les montres de notre village se vendent dans le monde entier, et obtiennent des distinctions dans les expositions internationales. De nombreuses maisons d’horlogerie se créent petit à petit, occupant des ouvriers dans de modestes ateliers ou à domicile; nous ne pouvons les énumérer toutes, mais mentionnons celles qui subsistent de nos jours. C’est dans la seconde moitié du XIX’siècle que Jules Audemars, associé à Edward Piguet fondent en 1875 la fabrique Audemars-Piguet, qui perpétue la tradition et la renommée des montres du Brassus. De cette époque date la fabrique Louis-Elisée Piguet, actuellement Frédéric Piguet SA. En 1840, David Piguet part pour Le Locle apprendre le travail des pierres précieuses et installe plus tard au Rocher l’usine Piguet Frères (1888); elle se développe rapidement pour occuper un second bâtiment, celui de M. Robert Meylan. Au XIXe siècle, à côté de l’horlogerie, d’autres activités voient le jour au Brassus. La fabrication de boîtes à musique introduite vers 1840 se maintient pendant plusieurs décennies, puis disparaît, certains fabricants allant s’établir à Genève ou à Ste-Croix, d’autres cessant leur activité. Il est intéressant de relever qu’il y a eu des fabricants de couteaux au Campe et aux Mollards des Aubert, ainsi qu’une fabrique de fusils aux Piguet-Dessus. 

Dès la seconde moitié du XVIII’ siècle, nombre de dames s’adonnent à la confection de dentelles, puis au filage et au tissage du lin, qui était cultivé sur place jusqu’à la fin du XIX’ siècle. L’industrie du bois s’est maintenue jusqu’à nos jours, mais beaucoup de scieries ont disparu, presque toujours victimes d’un incendie. Notons, pour terminer ce chapitre des activités du Brassus, la fondation, en 1838, de la Feuille d’Avis de la Vallée par le régent Dumas, qui installe ses presses dans le vieux collège (cantonnette), ceci grâce à l’appui du Cercle des Amis. Le 1er septembre 1840 paraît le premier numéro typographié de la Feuille, qui continue à être imprimée au Brassus par François Dupuis jusqu’en 1848; il s’installe ensuite à L’Orient puis au Sentier, et en 1981 c’est le retour aux sources. 

Le développement d’une localité se mesure à la construction de ses bâtiments ; il ne saurait être question de les énumérer tous, mais il nous paraît intéressant de mentionner les principaux. Il semble que le hameau du Campe est le plus anciennement habité du Brassus. C’est aux environs de 1555 que des colons du Lieu s’avancent sur la rive droite de l’Orbe, où ils trouvent des terrains favorables à la création de prés. Etant éloignés de leur domicile, ils construisent près de leurs champs des huttes de branchages, plus tard remplacées par des maisons; ces demeures provisoires sont appelées camp ou campoux, d’où le nom de Campe. Ce hameau a eu également de l’industrie: une fabrique de tuiles et une scierie à vapeur, détruite par le feu. Les autres hameaux sont construits vers la fin du XVIe siècle et début du XVII . Relevons qu’à Chez-Jacob une tannerie a subsisté durant cinq générations pour être remplacée par une scierie. La première école du Brassus est construite au Bas-du-Chenit en 1676, et une deuxième aux Piguet-Dessous en 1763 ; cette dernière, comptant 94 élèves en 1782, accueillait aussi les enfants du Crêt-Meylan, des Piguet-Dessus et des Grandes Roches, hameau disparu, qui groupait alors plusieurs maisons; la première y est édifiée par André Audemars, un protestant originaire de France, comme bon nombre d’autres familles de La Vallée. En 1627, Simon Hennezel construit une scierie près du Pont des Scies au Bas-du-Chenit. C’est de 1568 que date la première maison de la Fontaine du Planoz; de nombreuses constructions situées entre Praz-Rodet et le Planoz ont disparu; il fut un temps où le Bas-du-Chenit était plus peuplé que l’agglomération du village. Les Mollards des Aubert avaient deux maisons dès 1695, puis un moulin à vent; un membre de la famille Aubert abandonne au XIXème siècle ce moulin devenu trop vétuste pour en construire un autre au Rocher, d’où le nom de la maison abritant la fabrique Frédéric Piguet; ce moulin est démoli en 1892 pour faire place au bâtiment actuel, probablement situé sur le terrain d’une des usines de Jean Herrier. Le plus ancien collège de l’agglomération villageoise, datant de 1825, est l’actuelle cantonnette ; à l’origine, il avait un clocheton, démoli en 1852 ; sa cloche a été transférée à l’église. Le collège de la Fontaine, appelé longtemps collège neuf, est inauguré en 1863; sa construction est due à l’initiative de la société paroissiale et du Cercle des Amis, qui fournissent le terrain et une somme de Fr. 8 000. – ; les discussions avec la commune furent longues et ardues, cette dernière n’étant pas du tout décidée à édifier ce collège.

Un événement très important de l’histoire du Brassus est sans conteste la construction du temple. Il concrétise la volonté des citoyens d’aller de l’avant dans le développement de leur village, malgré la passivité des municipalités, qui ne sont pas du tout zélées pour construire au Brassus; cette attitude négative de l’exécutif communal se manifestera à plusieurs reprises. En décidant en assemblée générale la construction du temple, les citoyens auront certainement créé l’embryon de la fraction de commune; en effet cette assemblée de paroisse sera reconnue officiellement par une décision du Conseil d’Etat du 25 novembre 1857, autorisant la fondation de la SOCIÉTÉ PAROISSIALE DU BRASSUS, sous forme de société anonyme; celle-ci sera remplacée en1908 par la FRACTION DE COMMUNE. Mais revenons à la construction de l’église ; en 1825 déjà une demande est adressée au Grand Conseil pour que Le Brassus soit érigé en suffragance pastorale; cette première démarche étant restée sans réponse… une seconde suit, accompagnée du produit d’une souscription en faveur du temple se montant à Fr. 4000 –. Le Grand Conseil décide alors en 1833 que Le Brassus serait érigé en suffragance pastorale, et qu’un pasteur serait nommé lorsque la commune aura construit un temple dans ce village; la municipalité du Chenit estime que si les paroissiens du Brassus en désirent un, ils doivent le construire et le payer eux-mêmes; la commune alloue un subside de Fr. 7 200.– sur les Fr. 58 200.– que coûtera l’édifice. Un comité de 30 personnes est nommé pour s’occuper des travaux, qui débutent en mai 1835 ; L’inauguration a lieu le 24 septembre 1837. On peut se faire une idée des relations existant avec la commune par le fait que l’assemblée générale refuse la proposition du comité d’inviter la municipalité à cette manifestation ! La paroisse ayant maintenant un pasteur, le problème de son logement n’allait pas tarder à surgir. Sur l’initiative d’un groupe de dames, qui avaient déjà réuni des fonds, la société paroissiale décide la construction d’une cure, d’après les plans du colonel Audemars, industriel qui s’est dépensé pendant près d’un demi siècle pour le développement de sa contrée. La cure achevée en 1859 est encore aujourd’hui une des rares qui n’appartienne pas à l’Etat de Vaud. 

A cette époque Le Brassus n’avait pas de cimetière, ce qui posait certains problèmes de transport en hiver; en 1863, encouragée par un don de Fr. 1000.– du pasteur Meylan, appelé alors Ministre, la société paroissiale crée le premier cimetière du Brassus à l’emplacement de la propriété de M. Georges Golay. 

Dès 1866, les sociétés se réunissent et donnent des soirées au « casino » situé sous l’ancienne maison de M. Raoul Piguet à côté de l’Hôtel de France. Les sociétés (Gymnastique, Chorale et Instrumentale) fondent plus tard la société immobilière « Union », qui a pour but la construction d’un nouveau casino, inauguré en 1904; le propriétaire de la Lande, M. Rochat, avait donné le terrain. 

… Communications 

De tout temps, l’agriculture locale n’a pu suffire à nourrir la population, et celle-ci devait importer, il y a fort longtemps, de la farine de Bois d’Amont, Chaux-Neuve ou Mouthe, ceci à dos d’homme; on se ravitaillait également aux foires du Lieu, de Mouthe ou des Rousses. Chaque semaine, des porteurs et porteuses se rendaient à Rolle, Nyon et Genève pour y vendre des produits laitiers, et plus tard les articles de l’industrie. Ces transports se faisaient à la hotte, avec un âne ou un mulet. En retour les transporteurs ramenaient les produits de première nécessité. Un de ces commissionnaires, Siméon Meylan du Campe, a donné son nom au sapin sous lequel il se reposait en contemplant le grandiose panorama juste avant de franchir le col du Marchairuz. Les commissionnaires gagnaient la plaine soit par Pétra-Félix, première liaison établie depuis La Vallée, soit par des sentiers à peine tracés, pour atteindre Gimel ou Bière. La construction de la route du Marchairuz, achevée en 1770, apportera un grand changement dans les relations du Brassus avec Genève et les villes des bords du Léman. 

Le premier service postal du Brassus était, dès 1748, une course de messager deux fois par semaine jusqu’à Romainm8tier; à partir de 1825, un courrier à cheval se rend trois fois par semaine à Cossonay, puis tous les jours dès 1840. Après la construction de la ligne de chemin de fer Lausanne-Vallorbe en 1870, ces courses sont remplacées par un service de diligence, qui relie tous les jours La Vallée à la gare de Croy. Pour faciliter l’exportation de la glace des lacs, alors emmenée par char jusqu’à Croy, la société des glacières et les autorités décident la construction d’une ligne de chemin de fer du Day au Pont, inaugurée en 1886. Les diligences pour Le Brassus partent dès lors du Pont, une de chaque côté du lac, jusqu’en 1899, date de l’inauguration en grande pompe du chemin de fer Pont-Brassus. Il y a eu également un service de diligence jusqu’aux Rousses dès 1858, puis jusqu’à La Cure; ces liaisons ont disparu avec la guerre de 1914. 

C’est en 1825 que s’ouvre le premier local de poste, dans le bâtiment de la rue de la Gare 5, où le télégraphe est installé en 1860. La première liaison téléphonique du village remonte à 1896. Le bureau de poste est transféré successivement du « télégraphe » dans l’actuel locatif de la Caisse Raiffeisen, puis dans les locaux du salon de coiffure, pour s’installer en 1927 dans l’immeuble actuel, qu’il partage au début avec la Caisse de Crédit. 

Evénements marquants 

Il n’entre pas dans les propos de cette brochure de relater tous les événements importants de l’histoire du Brassus, plusieurs ayant déjà été traités dans d’autres ouvrages. Nous nous bornerons à citer les principaux, sans entrer dans les détails. La Vallée semble prédestinée aux tornades et cyclones; on en dénombre une bonne douzaine, dont les trois plus violents ont causé de très gros dégâts, suivant presque toujours le même cheminement, en 1624, 1890 et 1971. Celui de 1890 a effacé de la carte plusieurs maisons situées au Bas-du-Chenit occidental. 

Octobre 1779, événement flatteur pour le village : le grand poète allemand Goethe visite la haute Vallée de l’Orbe, d’où ces lignes, traduites en 1840, et extraites des « Lettres de Suisse »: 

« Les voyageurs gagnèrent la maison du Brassus; la société du capitaine nous avait valu d’être logés dans une maison où l’on n’héberge pas d’ordinaire. Dans sa construction intérieure, elle ne se distinguait en rien des maisons ordinaires, si ce n’est que la grande pièce du milieu est à la fois cuisine, salle de compagnie et vestibule. D’un côté le feu était allumé par terre sur des dalles de pierre; une vaste cheminée, solidement et proprement lambrissée de planches, recevait la fumée; dans l’angle était la bouche du four. Tout le sol était d’ailleurs planchéié à l’exception d’un petit coin carré vers la fenêtre autour de l’évier ». 

1870-71: guerre franco-allemande; le 1erfévrier 1871, l’armée du général Bourbaki est acculée à la frontière suisse par les Prussiens, et ce ne sont pas moins de 12000 hommes et 500 chevaux qui arrivent à La Vallée à travers le Risoud; tous les locaux disponibles sont utilisés pour les loger, y compris les églises; la plus grande partie de cette troupe est ensuite évacuée sur la plaine par Mollendruz; il reste un témoin de ce drame: la tombe du premier soldat Français victime de la variole noire qui ravageait ces troupes très affaiblies; ce monument se trouve à environ 200 mètres de la Thomassette. 

Au début du XIXe siècle, les bienfaits de la source sulfureuse de la Burtignière attirent de nombreux curistes au Brassus, la plupart logeant chez un fabricant d’horlogerie Charles-Auguste Piguet, propriétaire de la maison devenue le café Dalloz, démoli ensuite pour faire place à la Gentiane. Vers 1820, une française, Madame Tamisier, a même écrit un charmant poème louant les bienfaits de la source et du climat de La Vallée pour sa santé. Peu de temps avant la guerre 39-45, il y avait encore un bassin au bord de la route cantonale; un gobelet suspendu à la fontaine permettait de goûter cette eau curative… en se bouchant le nez bien entendu ! 

Jusqu’à la fin du XIX siècle, le patin est le seul sport d’hiver pratiqué à La Vallée; chaque dimanche il y avait foule au Creux-aux-Bots au Bas-du-Chenit, près de la maison de M. Dupuis, ou sur le lac lorsque la glace était libre de neige. Le patin sera détrôné par l’apparition du ski, saluée avec enthousiasme par Combiers et Combières, qui étaient déjà des marcheurs infatigables. On est stupéfait d’apprendre que nos aïeux avec leurs lattes et « montures » rudimentaires peuvent se rendre aussi bien du Brassus au Mollendruz que du Brassus au Mont-Sâla. Pour freiner, un seul bâton placé entre les jambes fait l’affaire ! Les femmes évoluent en jupes et les hommes en pantalons « saumur » et bandes molletières. Des citadins sont attirés par ce nouveau sport: notre tourisme hivernal est né! 

A la fin du siècle dernier deux événements apportent une grande amélioration à la qualité de vie de nos grands-parents. Les lampes à pétrole et les becs de gaz de l’éclairage public sont remplacés par l’électricité fournie par l’usine de M. Paul-Eugéne Golay. Presqu’à la même époque, l’eau est introduite dans les maisons, remplaçant ainsi l’usage des nombreuses fontaines qui jalonnaient le village et les hameaux, et qui ont encore été utilisées assez longtemps pour abreuver le bétail matin et soir jusqu’à l’apparition des abreuvoirs automatiques vers les années 1930. 

Une évocation du passé de notre village ne saurait se concevoir sans parler des SOCIÉTÉS, qui depuis fort longtemps foisonnent à La Vallée, et qui ont joué et jouent encore un rôle très important dans la vie sociale de notre contrée. Les premières dont il est fait mention dans les archives sont les sociétés dites militaires, soit celles pratiquant le tir ; elles recrutaient leurs membres sur l’ensemble du territoire de la commune. La plus ancienne est l’Abbaye des Fusiliers du Chenit, fondée en 1661, puis viennent l’Abbaye de la St-Jacques, 1721, et l’Abbaye des Chasseurs, 1803. 

A la fin du XVIIIe siècle, un bernois vient donner des cours de clarinette et de cor au Brassus, et vers 1804 un groupe de jeunes gens forment une Musique militaire avec un directeur venant d’Orbe; cette société donne de nombreux concerts au Brassus et en plaine; elle passait pour une des meilleures du canton; elle sera dissoute en 1878. Parallèlement à cette Musique militaire, un petit orchestre a vu le jour sous l’impulsion d’un pasteur du Lieu, M. Pélissier, et eut une grande activité, donnant plusieurs concerts en collaboration avec le Chant Sacré, ceci jusqu’en 1881. C’est de 1841 que date la fondation de la Société de Musique de cuivre, qui prendra le nom d’Union Instrumentale en 1881, en introduisant les instruments de bois. Bien avant la création de sociétés, le chant était pratiqué dans les familles, où l’on se réunissait pour chanter des psaumes ou des choeurs patriotiques. En 1837 est fondée la Société de Chant Sacré, rameau de celle du Sentier, datant de 1780; elle se produisait surtout à l’église lors des cultes; elle cesse son activité vers 1890. La Chorale, fondée en 1849, n’a eu pendant un siècle que des directeurs aux noms bien combiers, la conduisant avec succès dans de nombreux concours. La Société de gymnastique a vu le jour en 1890 et a joué un rôle important dans le développement sportif de notre jeunesse. Toutes ces sociétés ne se sont pas contentées de se produire au village, mais elles ont porté au loin le renom du Brassus. 

La société qui a joué le rôle le plus important dans notre village au cours du siècle dernier est certainement le Cercle des Amis, fondé en 1826; c’est dans son local du premier étage de l’ancienne Lande que se réunissaient des citoyens pour lire les journaux et des revues, mais surtout pour discuter des affaires du village et de son avenir. C’est du Cercle des Amis que sont parties bon nombre d’initiatives qui ont contribué au développement du Brassus : enseignement de la gymnastique dans les écoles, publication de la Feuille de La Vallée, installation de l’éclairage public, construction du temple, du collège de la Fontaine, du premier cimetière, de l’asile du Marchairuz, etc. Nombre de ses membres étaient aussi à la tête de la Société paroissiale, et l’on peut dire que de ces deux sociétés est née la FRACTION DE COMMUNE DU BRASSUS. 

On comprend fort bien les raisons qui ont poussé les villages à se constituer en fraction de commune au début de ce siècle: la lenteur des autorités communales à réaliser certains projets, leur refus même, par crainte de favoriser un des trois villages. A notre avis les fractions de commune sont pleinement justifiées; elles sont un élément moteur de la vie de nos villages et contribuent à développer l’intérêt pour la chose publique, en associant un plus grand nombre de citoyens à la vie politique et sociale. 

Le Brassus, octobre 1983